Les yogis affirment depuis 2500 ans qu’une ancienne pratique ventilatoire de contrôle (yama) de l’énergie (Prana), appelée « pranayama », peut nous aider à mieux nous concentrer sur nos tâches respectives. Une étude menée par des chercheurs du Trinity College de Dublin explique pour la première fois le lien neurophysiologique entre respiration et attention et vient donc cautionner cette affirmation.
La mise en oeuvre de certaines pratiques de respiration yogique ont de nombreux effets cognitifs reconnus. Elle permet entre autre une augmentation de la capacité de concentration et de tranquillisation, une diminution de l’errance de l’esprit, une augmentation de la vigilance, des sentiments plus positifs et moins égocentrés, une diminution de la réactivité émotionnelle et bien d’autres. Cependant, aucun lien neurophysiologique direct entre la respiration et la cognition n’avait été trouvé jusqu’à aujourd’hui.
Une étude, menée par des chercheurs du Trinity College Institute of Neuroscience et du Global Brain Health Institute de Trinity montre pour la première fois que la respiration contrôlée peut augmenter notre capacité d’attention. Ceci, en affectant directement les niveaux d’un messager chimique naturellement présent dans le cerveau: La noradrénaline.
Ce messager chimique est libéré lorsque nous sommes stimulés, curieux, concentrés ou émotionnellement excités. Les auteurs de cette étude suggèrent donc que si ce neurotransmetteur est produit en quantité suffisante, il peut stimuler l’attention et aider le cerveau à développer de nouvelles connexions. Il agirait comme un « engrais cérébral ».
Cette étude a révélé que les participants les mieux concentrés sur une tâche qui exigeait beaucoup d’attention avaient une meilleure synchronisation entre leurs schémas respiratoires et leur attention, que ceux qui avaient une mauvaise concentration. Les auteurs suggèrent donc qu’il est possible d’utiliser ces pratiques de contrôle de la respiration pour stabiliser l’attention et améliorer la santé de notre cerveau.
C’est dans le tronc cérébral, dans une petite zone cérébrale, appelée locus coeruleus, que les auteurs ont trouvé une explication neurophysiologique à cet effet du contrôle respiratoire sur le niveau d’attention. C’est ici que la noradrénaline est augmentée, diminuée ou stabilisée lorsque les yogi pratiquent leur pranayama pour régénérer leur attention et se préparer à l’action.
La noradrénaline est un système d’action polyvalent dans le cerveau. Lorsque nous sommes stressés, nous produisons trop de noradrénaline et nous ne pouvons plus nous décentrer de certaines perceptions. Lorsque nous nous sentons lents, nébuleux (tamasique), nous produisons au contraire trop peu de noradrénaline et nous ne pouvons plus nous concentrer. Tout comme les yogi, les auteurs sont également convaincus de l’existence d’un niveau équilibré de noradrénaline favorable à la santé physique et à la lucidité psychique.
Lorsque nous inspirons, l’activité noradrénergique augmente légèrement dans notre locus coeruleus et lorsque que nous expirons, elle diminue. En termes simples, cela signifie que la capacité d’attention et de perception fluctue avec le ratio Inspire/expire de la ventilation.
Cela signifie pratiquement que si nous favorisons l’inspire, il nous est théoriquement possible de prendre conscience d’images ou de sons que si nous favorisions l’expire nous ne verrions ou n’entendrions pas. C’est probablement ce mécanisme qui explique les effets spectaculaires du Pranayama sur la régulation de l’attention des yogi.
Mais ce n’est pas tout, car il serait également possible de réguler notre niveau d’attention et de perception en se focalisant soit sur les sensations procurées par la respiration, pour relâcher l’attention et la perception focalisée, soit sur le contrôle (ex: le ratio in/ex) de celle-ci, pour augmenter l’attention et la perception focalisée . La concentration sur les sensations relâche l’attention et élargit la capacité de perception. L’action de contrôler son rythme respiratoire augmente l’attention, via l’activation noradrénergique.
Dans les cas où l’attention et la perception d’une personne est diminuée, défocalisée à cause d’une production insuffisante de noradrénaline dans le LC, les pratiques qui mettent l’accent sur le contrôle respiratoire pourraient donc être en théorie plus bénéfiques que les pratiques centrées sur l’observation des sensations. A un niveau thérapeutique, on pourrait donc envisager ces techniques pour diminuer par exemple la vulnérabilité et augmenter la capacité de résilience d’une personne dépressive.
A l’inverse, dans les cas où le niveau d’excitation d’une personne associé à un niveau élevé de noradrénaline est la cause d’un manque d’attention défocalisée, par exemple un excès d’attention sur les bruit d’un cœur battant pendant un examen ou lors d’une crise de panique, il devrait être possible de restaurer un niveau d’attention équilibré par une observation passive des sensations.
Ces deux techniques sont sélectivement mises en oeuvre pendant l’exercice de la méditation (dhyana) par les yogi. Elles se sont également avérées efficaces à la fois à court et à long terme dans cette étude. Elles devraient donc amener les chercheurs à mieux s’intéresser à la pratique du yoga traditionnel pour découvrir de nouveaux protocoles thérapeutiques.