Qu’est ce que la créativité ? Quelles régions de notre cerveau sont activées lorsque nous réalisons une tâche créative ?  Comment développer nos capacités créatives ?

Il y a 2 façons scientifiques de définir la créativité.

La première considère la créativité comme un comportement volontaire dirigé vers la résolution d’une problématique et faisant appel à des fonctions élaborées pour manipuler mentalement des idées et les recombiner tout en inhibant les propositions inappropriées. Lorsque vous répondez à la question: quel mot est lié à la fois aux mots « attacher », « pont » et « social » par le mot « lien », vous venez de pratiquer cette première définition.

La seconde idée considère la créativité comme le résultat d’un relâchement des contraintes et des inhibitions générées par soi-même. En relâchant les fonctions de contrôle et en laissant nos pensées vagabonder, nous nous ouvrons à de nouvelles associations d’idées, spontanées et plus ou moins distantes. Lorsque vous répondez  spontanément « nuit » à la question « jour », vous venez de souscrire à cette deuxième définition.

Ces deux fonctions de contrôle et d’association libre sont parfois très utiles pour trouver des solutions originales, mais ne sont pas suffisantes. Elles sont activées dans la région frontale du cerveau, respectivement dans l’hémisphère gauche (région fronto-pariétal latéral gauche) et l’hémisphère droit (région frontale médiale droite).

Mais la créativité n’est en réalité pas limitée au cortex frontal, aux processus de contrôle et d’association libre évoquées par les scientifiques.

Le yoga traditionnel évoque un troisième procédé de connaissance lié au contrôle du filtrage sensoriel. Celui-ci consiste en une plus grande sensibilité aux sensations inhabituelles, comme nous le faisons naturellement durant le sommeil. Ce mécanisme pourrait se révéler bien plus efficace que l’activation des réseaux de contrôle et d’association libre pour trouver de nouvelles solutions.

Nous avons tous au moins une fois expérimenté ce procédé yogique lorsque par hasard et sans réfléchir nos yeux se portent, au gré d’un étalage, vers un livre rare que nous rêvions depuis toujours de posséder.

Prêter moins d’attention aux sensations les plus contrastées n’implique pas forcément de détourner son attention à la manière du faisceau d’une lampe de poche, mais plutôt de diminuer l’intensité de ce même faisceau tout en l’élargissant à d’autres sensations. La ressource nécessaire à cet élargissement pourrait être obtenu en prêtant moins d’attention aux sensations égoïstes de soi ou aux sensations inutiles à haut contraste, très gourmandes en attention. Ces 2 types de sensations sont trop énergivores et leur économie permettrait d’accéder à d’autres niveaux de connaissance grâce à une énergie plus disponible.

Les yogi s’entraînent depuis toujours à ce décentrage de soi et au filtrage de leur capacité de perception via le relâchement du corps pour s’ouvrir au hasard des rencontres, des idées et augmenter leur potentiel créatif. Comment faire ?

L’état du corps est en réalité essentiel pour la créativité. Notre perception de la réalité n’est pas linaire. Notre oeil perçoit en moyenne 13 images par seconde. Entre chaque image vient s’insérer une impression fugace, subconsciente, issue du référentiel corporel. La somme de ces impressions produit un sentiment indicible de bien-être ou de mal-être dans votre perception de la réalité. Si le corps est tendu alors que vous passez devant une librairie, il est peu probable que votre attention se dirige (par hasard) vers le livre de vos rêves, mais plutôt sur ce qui pourrait advenir de vous, par exemple, à cause de votre état.

Quand vous regardez un film sur la télé, vous percevez 25 images par seconde en moyenne. Les impressions sont encore plus fugaces que lorsque vous passez devant une librairie et votre corps est comme paralysé sur le canapé. Vous êtes absorbé par le film. Au delà d’un certain seuil, vous ne réagissez plus et vous devenez comme une éponge. Le film est devenu votre perle rare, quelque soit sa qualité et malgré vous. Votre capacité créative est anéanti parce que le corps est en tétanie.

Le karma yoga, le bhakti yoga et le jnana yoga sont avec le raja yoga (que nous pratiquons) les quatre voies de décentrage de soi et de créativité du yoga.

Les raja yogi s’exercent à la créativité par l’ouverture de soi à toutes les perceptions. Le protocole raja emploie la retenue du souffle pour mieux se remplir de perceptions et s’informer de l’expérience du corps pour agir. Le corps est une véritable source de connaissance et de décision pour le Raja yogi. C’est une base de données de plusieurs millions d’années d’expériences. Raja est un vrai protocole, physique et bio-mécanique, qui permet de vider son espace mental et de s’informer consciemment des réactions du corps à l’égard des perceptions pour sortir consciemment d’une redondance comportementale invalidante telle qu’une addiction par exemple et vivre libre.

Les bakta yogi ont une autre façon de sortir de la redondance: Par la pratique du chant et de la psalmodie ils « sacrifient » leur souffle expiré pour se vider de leur pensées, relâcher leur corps, s’identifier à leur archétype et ré-indexer positivement leur comportement sur le comportement irréprochable et mystique de ce dernier.

Les karma yogi ont une autre façon de procéder: Ils utilisent l’action désintéressée et le geste mécanique pour y parvenir. Ils procèdent dans une attitude de lâcher prise et de désintéressement total sur leur gestuelle, afin de se laisser saisir et de se perdre dans la finalité de leurs gestes. C’est là encore une libération de soi par les gestes du corps.

Enfin, les jnana yogi ont également une façon, bien à eux, pour sortir d’une croyance: Ils y accèdent par l’exercice de formules paradoxales immémoriales destinées à faire le vide et faciliter l’émergence intuitive du corps.

A chacun son yoga et son accès à la créativité !